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mardi 3 janvier 2012

De AAA à Zône Euro : les mots de la crise par J. P. Moussy



Les Mots de la Crise : Explications


AAA : Voilà trois lettres dont on entend beaucoup parler ces derniers temps : de quoi s’agit-il ? = de la note la plus élevée attribuée par une –ou plusieurs- agences de notation. Cette note permet de bénéficier, à partir de financements de marché, des taux les plus bas possibles. Explications :
Définition : la notation financière vise à caractériser le risque associé à un émetteur, c’est-à-dire la capacité pour un emprunteur de faire face aux échéances de remboursement (en intérêt et capital) de la dette qu’il a contractée. Ces emprunteurs peuvent être soit des entreprises (publiques ou privées) soit des Etats, soit encore des collectivités locales. La note attribuée peut être positive, stable ou négative.
Historique : La notation est apparue en 1909 lorsque Moody’s devient la première société à attribuer des notes (ratings) aux entreprises américaines puis en 1918 Moody’s élargit son champ d’activité et attribue des notes aux Etats : le rating souverain est né. Dans cette période « Standard Statistics Poor’s » puis Fitch se lancent également dans la notation.
Les acteurs de la notation financière : trois acteurs dominent le marché de la notation financière (environ 90% du marché) et se livrent à une forte concurrence : il s’agit de :
-        Standard and Poor’s : spécialisée surtout dans la notation des sociétés industrielles
-        Moody’s : positionnée surtout dans les opérations de titrisation
-        Fitch : leader dans la notation des établissements bancaires
Mais divers autres acteurs apparaissent sur ce marché de la notation financière comme : « Duff and Phelps » ; « AM Best Company » ; « Sean Egan » ; dernièrement une agence chinoise est apparue : Dogang...
Ces agences de notation sont des entreprises privées dont l’activité consiste à évaluer la solvabilité (la capacité à honorer un paiement) d’un émetteur (entreprises, établissements de crédit, compagnies d’assurances, collectivités territoriales, Etats souverains). Elles agissent à la demande des emprunteurs sauf pour les Etats où elles agissent de leur propre chef.
Le résultat de cette évaluation est exprimé sous la forme d’une note dont l’échelle va de « AAA » (note maximale) à « D » (défaut de paiement). Rendue publique la note est utilisée par les investisseurs opérant sur les marchés financiers pour prendre leurs décisions d’investissement.






Les notes et leur signification :



Standard and Poor’s


Moody’s (*)

Fitch

1


AAA

Aaa

AAA

2


AA

Aa

AA

3


A

A

A

4


BBB

Baa

BBB

5


BB

Ba

BB

6


CCC

B

B

7


CC

Caa

CCC

8


C

Ca

C

9


+ou -

1,2 ou 3

+ ou 6

(*) La meilleure note et les deux moins bonnes ne sont pas accompagnées des chiffres (1,2 ou 3). Comme on le voit avec ce tableau comparatif l’appellation des différentes notations sont un peu différentes selon les agences mais les principes de classement demeurent les mêmes. A partir de ce tableau -concernant une émission obligataire- les commentaires suivants peuvent être faits :
1) Le risque est quasi nul, la qualité de la signature est la meilleure possible
2) L’émetteur noté est très fiable

3) Le risque peut être présent dans certaines circonstances économiques
4) La solvabilité est jugée moyenne
5) A partir de cette note, l’affaire commence à être spéculative
6) La probabilité de remboursement est incertaine
7) On présume un risque très important de non remboursement sur le long terme
8) L’émetteur est proche de la faillite, l’emprunt est très spéculatif
9) Faillite de l’emprunteur
(Source : Karine Chakir Economiste)

Les critiques : Les critiques à l’égard des agences de notation sont nombreuses tant leur poids semble avoir pris beaucoup d’ampleur : résumons les :
-        Elles n’ont pas su anticiper les crises : ni la crise asiatique de 1997-1998, ni la crise des subprimes, ni la crise de la dette en Europe
-        Leur action est jugée procyclique, «auto-réalisatrice» : en abaissant parfois massivement des notes souvent à contretemps (lors des crises asiatique, russe, comme lors des faillites d’Enron et d’Anderssen) elles accentuent la fragilité d’entités déjà fragilisées tout d’ailleurs comme en ce moment avec la zone euro
-        Les agences sont, en outre, mises en cause en raison du manque de transparence de leur méthodologie, de plus dans la dernière période on a le sentiment qu’elles interviennent dans les débats politiques par exemple en abaissant la note des USA (Standard and Poor’s) en août dernier en plein débat au Congrès ; attitude similaire en décembre (par la même agence) avec la « mise sous surveillance négative » de 15 pays membres de la zone euro la veille du Conseil Européen
-        Les agences de notation sont par ailleurs accusées d’être au centre de conflits d’intérêts : elles sont rémunérées par les émetteurs de titres de dettes (à l’exception des Etats) qu’elles évaluent et souvent, elles jouent le rôle de conseil aux emprunteurs pour les aider à concevoir des produits structurés (comme dans le cas des produits à l’origine de la crise des subprimes)
-        L’absence de sanctions : les agences ne sont pas juridiquement responsables de leurs erreurs : ce sont des entreprises privées régies la plupart par le droit américain et sont protégées par le 1er amendement de la Constitution américaine puisqu’elles produisent « des opinions » et non des avis 


Les pistes de réforme existent :
La voie réglementaire : Aux USA après le scandale ENRON (2001) plusieurs initiatives sont lancées en vue d’encadrer l’activité de notation ; elles aboutissent à la promulgation en septembre 2006 du « Credit Rating Agency Reform Act » qui vise à favoriser la transparence des méthodes de travail des agences et à stimuler la concurrence au sein de cette activité.
En Europe : deux règlements ont été adoptés (règlement CE 1060/2009 du 16 septembre 2009 et règlement UE 513 / 2011 du 11 mai 2011) : ils sont destinés à encadrer l’activité des agences de notation : ainsi depuis le 7 décembre 2009 les agences de notation souhaitant exercer au sein de l’UE sont soumises à une procédure d’enregistrement. L’activité de ces agences est désormais placée sous la surveillance de « l’Autorité européenne des marchés financiers ».
Pour autant, il n’est pas sûr que ces règlementations suffisent car ces agences ont acquis une forme de légitimité au travers de leur reconnaissance officielle par des institutions publiques : ainsi la réglementation financière –les accords de « Bâle 2 »- entrée en vigueur en 2004 fait explicitement référence aux agences de notation dans sa réglementation : la croyance dans la supériorité de « l’efficience des marchés » et dans la transparence s’est ainsi insidieusement infiltrée dans des réglementations publiques et même dans l’appréciation des garanties acceptées par les Banques Centrales. Voilà pourquoi émergent des propositions de réforme plus « radicales » comme :
-        La création d’une agence publique européenne : c’est en 2010 que Jean-Claude JUNCKER –Chef de file des Ministres de la zone euro- a fait cette proposition. Celle-ci a été soutenue par les Chefs d’Etat français et allemand mais elle n’a pas, à ce jour, percée au-delà
-        L’interdiction de la notation de pays sous assistance : c’est Michel BARNIER –Commissaire européen au marché intérieur et aux services financiers- qui a fait cette proposition réagissant ainsi à la dégradation le 5 juillet 2011 –par Mood’y’s- de la note du Portugal : pays bénéficiaire d’un plan d’aide européen deux mois plus tôt, au risque d’aggraver plus encore la situation de ce pays
-        Traduire en justice les agences de notation contrevenantes : la Commission Européenne a adopté ainsi le 15 novembre 2011 une proposition de règlement en ce sens afin de permettre aux investisseurs, ayant subi un préjudice, de pouvoir intenter une action en responsabilité civile.



Conclusion : Le dossier de la notation et, celui du rôle des agences de notation, dans le déroulement de la crise actuelle ne va pas se clôturer rapidement. D’autant plus que la crédibilité des agences a été mise à mal avec notamment la crise des subprimes. Actuellement elles donnent le sentiment « de se venger » en intervenant dorénavant directement dans le champ politique. Pourtant si leur influence s’est accrue, elles ne sont pas les seules à intervenir dans le champ de « l’information financière » qu’il s’agisse des analystes financiers, des commissaires aux comptes, de la presse financière spécialisée ou encore des diverses autorités de régulation. Manifestement de nouvelles réformes s’imposent car ce sont des acteurs qui dans la chaîne de l’information financière ont pris une place démesurée.



















BCE : La Banque Centrale Européenne est la Banque en charge de la gestion de la monnaie unique l’euro. Sa mission principale consiste à maintenir la stabilité des prix –en vertu de l’article 105 du Traité de Maastricht- au sein de la zone euro, à un niveau proche actuellement de 2% et à préserver ainsi « le pouvoir d’achat » de l’euro.
La BCE a été mise en place le 1er juin 1998. Elle a pris la suite de « l’Institut Monétaire Européen » - conformément aux dispositions du Traité de Maastricht adopté au Conseil Européen de décembre 1991. 
L’euro-système : englobe la BCE et les Banques centrales des 17 Etats membres de l’UE ayant adopté l’euro (Article 282 du Traité de Lisbonne) : cette organisation permet de prendre en compte la vaste étendue géographique que représente la zone euro ainsi que la diversité des banques en préservant les relations entre les communautés bancaires nationales avec leur banque centrale nationale.
Les responsabilités de la BCE : Elle :
-        Coordonne et assure le suivi des opérations de politique monétaire
-        Adopte des actes juridiques afin de s’assurer que les banques centrales nationales effectuent les opérations décentralisées de manière cohérente
-        Autorise l’émission de billets
-        Mène des interventions sur les marchés des changes
-        Assure le fonctionnement des systèmes de paiement et la surveillance des infrastructures de paiement
-        Participe à la collaboration internationale et européenne
-        Est soumise à des obligations de publications (rapport annuel – bulletin mensuel)
-        Exerce des fonctions de surveillance des risques financiers
-        Remplit des fonctions consultatives auprès des institutions de l’Union

La BCE fait l’objet de nombreuses critiques : elles sont relatives à :
-        Ses missions considérées, par nombre d’observateurs, comme trop limitées car centrées sur le seul objectif de limitation de l’inflation alors que la FED aux USA prend également en compte les aspects de croissance et d’emploi
-        Une indépendance trop marquée, inscrite dans le marbre des Traités, marquant un déséquilibre par rapport aux autres aspects de la politique économique (budget, fiscalité) qui sont peu ou insuffisamment « fédéralisés »
-        Une transparence peu satisfaisante puisque les « minutes » du Conseil (à l’inverse de ce qui se fait par exemple au Royaume Uni) ne sont pas publiées même si, par ailleurs, le Président de la BCE se rend souvent devant la Commission compétente du Parlement Européen
-        Des interventions jugées trop timides dans la crise : les décisions de réduction des taux d’intérêt sont souvent considérées comme tardives et insuffisantes (de ¼ de point en ¼ de point : le taux directeur a ainsi été fixé à 1,25% depuis le 3 novembre 2011 ; il était à 1,50 depuis juillet 2011) tout comme les interventions dites « non conventionnelles » (de rachat sur le marché secondaire –celui de la revente- des obligations d’Etat des pays menacés). La BCE aurait rachetée jusqu’alors temporairement environ 200 milliards de ces bons. La BCE a aussi par ailleurs assoupli sa doctrine en ne tenant plus compte de la notation des dettes publiques pour les accepter en « collatéral » c’est-à-dire en garantie des emprunts accordés aux banques commerciales. Ces mesures dites « non conventionnelles » sont sujettes à controverses ainsi les rigoristes allemands : Axel Weber (patron de la Bundesbank) et Jürgen Stark (Economiste en chef de la BCE) ont, à la suite de ces mesures, démissionné du Conseil de la BCE pour marquer leur désaccord (*) tandis que d’autres économistes (D. Cohen et bien d’autres) appellent en cette période de crise de la dette à des interventions illimitées de la BCE sur toutes les dettes publiques de la zone afin de donner un signal fort et de « désarmer » les marchés.
Observons quelques évolutions positives, tenant compte plus largement des réalités économiques et financières, : le règlement européen du 17 novembre 2010 institue un « Comité européen du risque systémique » (CERS) –présidé par le Président de la BCE- et puis, suite au Conseil Européen de décembre 2011 il a été décidé que la BCE apporterait son expertise et son assistance dans le fonctionnement du FESF.

Conclusion : Dans la mesure où la BCE apparaît être le seul rempart solide dans cette crise il est certain que les débats autour des missions et des moyens d’intervention de la BCE vont se poursuivent. Ces débats ne sont pas que de politique monétaire ils mettent en jeu le système d’organisation économique au plan européen et ce de manière crue puisque la BCE, indépendante, constitue le maillon le plus « fédéralisé » du système. (Avec toutefois la politique communautaire de la concurrence et jusqu’à présent la PAC). 


(*) De plus un professeur de droit à l’Université de Berlin : Markus Kerber se proposait récemment de déposait une plainte devant la Cour de Justice Européenne : il reproche en effet à la BCE de violer les articles 123 à 125 du Traité Européen qui proscrivent la politique de rachat d’obligations.


FESF : Fonds européen de stabilité financière :
Ses missions : ce fonds a été créé par les Chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro le 9 mai 2010 : il est devenu opérationnel le 4 août 2010 après la ratification de ses statuts par l’ensemble des pays de la zone euro. Ce fonds est destiné à participer au financement des pays de la zone euro bénéficiant de programmes d’ajustement. Il se finance par émissions d’obligations, les Etats membres les garantissent à hauteur de 750 milliards d’euros. 
Modalités de fonctionnement : la vie de ce fonds est limitée à 3 ans (soit jusqu’au 30 juin 2013) : le « Mécanisme européen de stabilité financière » (MES) prendra la suite du FESF (la date sera probablement avancée au 30 juin 2012 suite à la réunion du Conseil européen de décembre).
Les 750 milliards d’euros se répartissent ainsi :
-        60 milliards pouvant –sur autorisation du Conseil ECOFIN- être empruntés sur les marchés par la Commission, étant garantis par les Etats membres
-        440 milliards de prêts bilatéraux ou de garanties
-        250 milliards pouvant être ajoutés par le FMI
Pour –au-delà du seul cas de la Grèce- préparer le terrain à d’autres aides d’envergure (Italie – Espagne ??) la décision a été prise de mobiliser davantage ce fonds sans que les Etats ne dépensent plus avec l’objectif d’atteindre 1.000 milliards ( ?!) par l’utilisation de « l’effet de levier » (celui-ci est estimé être de 4 ou 5 ? référence: sommet de la zone euro du 8 novembre 2011). A ce dispositif pourrait s’ajouter un « fonds spécial » pouvant accueillir les contributions des pays émergents (Chine – Brésil).
Cette construction apparaît en réalité pour partie hypothétique et ce qu’il s’agisse de l’effet de levier attendu ou / et de la contribution de la Chine (malgré une visite du directeur du fonds –Klaus Regling fin octobre en Chine –laquelle dispose d’un matelas de réserves de change d’environ 3.200 milliards de $- on sait depuis le G20 de novembre à Cannes que les pays émergents dont la Chine ne se sont guère montrés enthousiastes par l’offre qui leur était faite).

Conclusion : Dès lors qu’il y a une monnaie unique avec dans le même temps des hétérogénéités de développement entre les Etats des mécanismes de solidarité sont indispensables. En période de crise et de fort endettement des Etats ils sont difficiles à mettre en musique : il serait cependant souhaitable que l’on n’aboutisse pas à des « usines à gaz » dont certains ont parfois le secret : ces mécanismes doivent rester lisibles et compréhensibles d‘autant que mis en place par des Traités ils doivent, comme c’est logique démocratiquement, être ensuite ratifiés par les Parlements nationaux (*). Observons encore que la solidarité n’est peut-être pas si impossible à imaginer que cela lorsque l’on regarde le succès rencontré auprès des citoyens des appels publics à l’épargne lancés tant en Belgique qu’en Italie.



(*) En France la loi de finances rectificative du 7 juin 2010 fixe à hauteur de 111 milliards la garantie maximale accordée par la France au FESF.




















« Règle d’or »
Ce terme revient constamment, depuis quelques temps, dans le langage politico-économique, à vrai dire il reste quelque peu hermétique : de quoi s’agit-il ?    
L’origine : ce terme trouve son inspiration dans le rapport Camdessus (juin 2010) intitulé : « Réaliser l’objectif constitutionnel d’équilibre des finances publiques » (rapport commandé par une lettre de mission du 1er Ministre en date du 1er mars 2010).
Ce rapport développe l’idée que : l’innovation constitutionnelle permettrait d’apporter une réponse pratique à un certain nombre de chaînons manquants :
1 : l’inexistence dans notre législation d’un instrument assurant la primauté sur les lois financières annuelles de lois pluriannuelles organisant le cheminement vers un objectif d’équilibre
2 : l’absence d’un instrument permettant un vote du Parlement sur nos engagements européens
3 : l’insuffisance portée du contrôle du Conseil Constitutionnel sur les lois de finances
A partir de cette analyse le rapport Camdessus préconise d’introduire dans la Constitution et au niveau organique les changements nécessaires pour que le Parlement puisse adopter un instrument nouveau : « la loi cadre de programmation des finances « publiques » (LCPFP).
Ce texte de nature juridique nouvelle aurait la primauté sur les lois annuelles de finances ainsi que sur les LFSS (loi de financement de la sécurité sociale) : il propose de modifier ou de compléter les articles 34 – 47 – 61 de la Constitution.
Cette démarche vise donc à introduire des contraintes juridiques nouvelles et pour se faire, encadre l’activité du Parlement. Elle s’inscrit aussi dans la prise de conscience générale de l’état alarmant des finances publiques déjà précédemment souligné dans de nombreux rapports qui de : de la Cour des Comptes ou encore des rapports « Pébereau » (2006 : « Rompre avec la facilité de la dette publique ») et « Cotis – Champsaur » (2010 : « Rapport sur la situation des finances publiques »).

Que propose le Gouvernement ?
Le 13 juillet 2011 le gouvernement a fait accepter par l’Assemblée Nationale et le Sénat le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques. Ce texte, s’il est finalisé, a pour objectif : « d’encadrer la trajectoire budgétaire (laquelle s’appliquerait au budget de l’Etat et à celui de la Sécurité Sociale) avec des planchers de recettes et des plafonds de dépenses qui seraient fixés annuellement : l’objectif serait d’atteindre l’équilibre en trois ans.
Dans une lettre du 26 juillet aux parlementaires, le Président de la République, insiste pour que ceux-ci se « rassemblent au-delà des intérêts partisans » car, pour qu’une modification de la Constitution aille à son terme il faut qu’elle réunisse une majorité des trois cinquième du Parlement réuni en Congrès : or cette majorité n’existe pas aujourd’hui.   

Cette « règle d’or » n’est-elle pas déjà décrédibilisée avant même son éventuelle introduction ?
Observons tout d’abord que la fin de la mandature parlementaire actuelle et le début de la campagne présidentielle ne constituent pas une période favorable à l’inscription dans le marbre constitutionnel de règles engageant l’avenir. Observons ensuite que les Etats et les économistes sont loin d’être unanimes sur ce pourraient être les contraintes et les règles qui découleraient de cette règle d’or !
Mais, au-delà de ce contexte national de telles règles n’ont jusqu’à présent été adoptées que par deux pays européens : l’Allemagne (la règle adoptée prévoit dans ce pays que le déficit de l’Etat devrait être limité à 0,35% du PIB et ce à partir de 2016) et l’Espagne. En Autriche, tout dernièrement, il n’y a pas eu de majorité suffisante pour l’adopter. Alors, il semble que le couple franco-allemand –et plus particulièrement l’Allemagne- à la suite des réunions européennes de décembre veuille imposer la dite règle par un biais c’est-à-dire en s’appuyant sur le Traité en cours d’élaboration. Curieux cheminement surtout lorsque l’on sait que l’Allemagne et la France ont été les premiers pays de la zone euro à s’affranchir des règles déjà existantes de Maastricht en 2003. Le Président français sachant bien qu’il, ne peut pas ,faire adopter cette règle actuellement en a d’ailleurs reporté l’examen après l’élection présidentielle de mai 2012.

Conclusion (provisoire) : Cette règle d’or –pour toutes les raisons évoquées plus haut- pose en fait un véritable problème de crédibilité politique. Plus fondamentalement, il s’agit de savoir si le chemin juridique contraignant est la bonne voie pour réduire les déficits publics ( ?). Il semble bien qu’une telle réponse ne soit pas adaptée aux enjeux économiques et de société, qu’elle ne fasse de plus qu’accroître la distance entre les citoyens, la politique, les défis économiques du moment et contribue à accroître le doute sur le projet européen.





Evolution des déficits et endettements publics



2005


2006

2007

2008

2009

Déficit public
(milliards €)


50,4

41,1

51,4

64,7

143,8

Déficit public
(% du PIB)


2,9

2,3

2,7

3,3

7,5

Dette publique
(milliards €)



1145


1150


1209


1315


1489

Dette publique
(% du PIB)



66,4


63,7


63,8


67,5


78,1

Source INSEE / Cour des Comptes
Programmation des finances publiques 2011 - 2014



2010


2011

2012

2013

2014

Solde des administrations publiques (en % du PIB)




-7,7



-6,-



-4,6



-3,-



-2,-

Dette publique
(en % du PIB)




82,9


86,2


87,4


86,8


85,3
Source PLF 2011

NB : A la fin octobre 2011 (Source Agence France Trésor / organisme d’Etat chargé de gérer la dette) l’encours de la dette négociable s’élevait à 1.305 milliards d’euros + 16 milliards de swaps. A noter que la loi de finances rectificative (du 19.9. 2011) indique que la charge nette des intérêts de la dette s’élève dans le budget de l’Etat à 46,82 milliards € (48,77 sont prévus dans le PLF 2012). Enfin on observera aussi que le PLF 2010 a recensé 468 dépenses fiscales représentant une perte nette de 74,8 milliards : le sujet de la dette est donc loin d’être d’abord juridique il concerne au premier la politique économique et fiscale mise en œuvre.




















Zone Euro :
L’euro est la devise officielle de l’Union Européenne et la monnaie utilisée par 17 de ses Etats membres (*) regroupés au sein de la zone euro. Il a été mis en circulation en 1999 (pour les marchés financiers) puis sous sa forme fiduciaire (billets et pièces) le 1er janvier 2002.
Aux origines de l’euro : La CEE est d’abord motivée, au départ, par le souci de disposer d’une zone monétaire stable après la décision des Etats-Unis en août 1971 de supprimer la relation entre le dollar et l’étalon –or. Cette relation avait, depuis la seconde guerre mondiale, permis la stabilité monétaire mondiale. A la suite de cette décision les banques centrales de la CEE décident la création du SME (Système monétaire européen qui rentrera en vigueur en mars 1979) et de réduire à 2,25% les marges de fluctuation entre les monnaies européennes.
Plusieurs étapes auront été nécessaires pour parvenir à cette monnaie unique : le rapport Werner (octobre 1970) proposait déjà un processus en trois étapes pour réaliser l’UEM (l’Union Economique et Monétaire) sur une période de dix ans puis la création du « serpent dans le tunnel » (en 1972) -soit un mécanisme destiné à maintenir les fluctuations monétaires (le serpent) dans des marges étroites par rapport au dollar (le tunnel) -ensuite pour faire face aux perturbations monétaires persistantes la création du SME (1979) avec la participation de toutes les monnaies des Etats membres hormis la livre sterling.
Mais l’étape décisive a été franchie lors du Conseil Européen réuni à Hanovre de juin 1988 qui décida de créer le « Comité pour l’Union Economique et Monétaire » présidé par Jacques Delors – Président de la Commission Européenne-. Le rapport présenté en avril 1989 définissait l’objectif de l’UEM comme : la libéralisation des mouvements de capitaux, l’intégration complète des marchés financiers, la convertibilité irréversible des monnaies, la fixation irrévocable des parités puis le remplacement des devises nationales par une monnaie unique.
Le rapport prévoyait, lui aussi, d’y parvenir en trois étapes :
-        1) Réaliser le marché intérieur et supprimer les restrictions à une intégration financière accrue (1990-1994)
-        2) Créer l’Institut monétaire européen pour renforcer la coopération entre les banques centrales et préparer le système européen de banques centrales. Planifier la transition vers l’euro. Définir la gouvernance future de la zone euro. Réaliser la convergence économique entre les Etats membres (1994 – 1999)
-        3) Fixer définitivement les taux de change et de transition à l’euro. Instituer la BCE et le SEBC avec une politique monétaire indépendante. Instaurer dans les Etats membres des règles budgétaires contraignantes. (à partir de 1999)
Les objectifs de ces trois étapes ont été inégalement atteints comme le rappelle fréquemment Jacques Delors en ce qui concerne notamment la convergence économique.

Les règles dont on parle tant aujourd’hui sont déjà prévues, pour l’essentiel, dans le Traité de Maastricht (de décembre 1991) : 


Ce qui est mesuré


Comment c’est mesuré

Critères de convergence

Stabilité des prix


Harmonisation du taux d’inflation des prix à la consommation

Ne pas dépasser de plus de 1,5% le taux des trois Etats membres qui présentent les meilleurs résultats


Finances publiques saines 


Déficit public exprimé en % du PIB


Valeur de référence : ne pas dépasser 3%

Finances publiques soutenables


Dette publique exprimée en % du PIB

Valeur de référence : ne pas dépasser 60%

Convergence durable


Taux d’intérêt à long terme

Ne pas dépasser de plus de 2% le taux des trois Etats membres qui présentent les meilleurs résultats en termes de stabilité des prix


Stabilité des taux de change


Ecart par rapport à un taux central

Participation au MTC (mécanisme de taux de change dans lequel les membres du SME s’engagent à maintenir les cours de leurs monnaies dans des limites) durant deux années sans connaître de tensions graves.


Sources : « Une Europe, une monnaie, le chemin vers l’euro » (Commission Européenne) et Communication de la Commission (7 mai 2008) : « UEM : Bilan de l’UEM dix ans après sa création ».
L’euro est un succès :
Les difficultés actuelles sont celles de l’endettement (de façon circulaire : endettement public de l’Etat / endettement privé ; difficultés budgétaires / difficultés bancaires) et non celles de la monnaie unique.
Celle-ci se caractérise par :
-        Un réel succès international puisque sur une aussi courte période l’euro représente désormais plus de 20 % des réserves de changes mondiales
-        Un succès intérieur puisque globalement l’inflation a été maîtrisée (rappelons-nous que dans les années 70 celle-ci atteignait des pourcentages à deux chiffres)
-        Une commodité pratique indéniable pour : les marchés de capitaux, pour les particuliers -puisque les commissions de change ont été supprimées tandis que les prix des produits consommés peuvent être mieux comparés- comme pour les entreprises –très actives dans la zone Euro- qui n’ont plus à gérer le risque de change ce qui facilite également leurs activités.
Pour autant des difficultés importantes demeurent –comme le démontre la crise actuelle- notamment en matière de convergence et de gouvernance économique.
D’ailleurs comment imaginer que l’euro ne serait pas un succès alors que plusieurs pays membres de l’UE souhaitent en faire partie : (dates sous réserve)
-        La Lituanie (en janvier 2014)
-        La Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la Pologne, la Roumanie (en janvier 2015)
-        La République Tchèque (en janvier 2016)
En août 2010 d’ailleurs, les Ministres des Finances de Pologne, Hongrie, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie, Bulgarie, Lituanie, Lettonie et Suède ont envoyé une lettre au Président de l’UE –Herman Van Rompuy- dans laquelle ils demandaient un assouplissement des critères de Maastricht (signe supplémentaire s’il en est de leur souhait de rentrer dans l’euro).
(*) Pays membres de l’euro (décembre 2011) : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Espagne, Estonie (depuis le 1er janvier 2011), Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Malte, Pays Bas, Portugal, Slovaquie, Slovénie.
Par ailleurs : Andorre, Saint-Marin, Monaco et le Vatican utilisent également l’euro comme monnaie officielle
Le Danemark, la Lettonie et la Lituanie participent au mécanisme de change européen (MCE II) ce qui signifie que la couronne danoise, le lats letton et le litas lituanien sont d’une certaine manière liés à l’euro.
Plusieurs Etats hors de l’UE utilisent également de facto l’euro : Andorre, Monténégro et Kosovo.
Pour être complet : le Danemark et le Royaume Uni ont obtenu une dérogation (« opting out ») concernant la monnaie unique lors du Traité de Maastricht tandis que la Suède a retardé l’échéance de son entrée dans la monnaie unique suite à un référendum défavorable (le 4 septembre 2003) à part ces Etats tous les autres sont en fait susceptibles –« si les diverses conditions sont réunies »- de rejoindre la monnaie unique.

























Autres mots de la crise


CDS (Credit default swap) : instrument financier qui permet au détenteur de se couvrir contre le risque de perte sur une créance –comme une obligation- en échange du versement d’une prime périodique. Il s’agit donc là d’une forme d’assurance contre la défaillance d’un emprunteur.

Défaut souverain : se dit d’un Etat qui n’honore pas tout ou partie des engagements financiers prévus dans un contrat avec ses créanciers : le défaut peut porter sur le principal comme sur les intérêts.

Euro-obligations : une obligation libellée en euro qui serait émise au nom de l’Union européenne et non plus des gouvernements nationaux. Diverses propositions « d’euro –bons » sont actuellement sur la table avec comme objectif de pouvoir répondre en partie –via la mutualisation- à la crise de la dette actuelle. Il s’agit de celle de Jean-Claude Junker (le Président de l’Euro groupe) et de l’ex Ministre italien Giulio Tremonti proposant l’émission d’euro bonds à l’échelle européenne ou encore de celle de Jacques Delpla et Jacob Von Weizsäcker qui proposent de distinguer des euro-obligations qui seraient communes pour une part uniquement. Ces euro-bonds (s’ils voient le jour car les allemands y sont fermement opposés) signifieraient une mutualisation des risques budgétaires. Elles permettraient aussi, par le regroupement, de bénéficier d’un vaste marché et de bénéficier de bas taux d’intérêt. Jusqu’à présent cette proposition d’euro-bonds n’est pas parvenue à convaincre les Chefs d’Etat soit parce qu’elle conduit à renoncer pour partie à la souveraineté budgétaire soit parce qu’elle n’apporte pas la preuve –selon les allemands- que les Etats surendettés seraient amenés à une meilleure conduite budgétaire mais, cette mutualisation pourrait aussi avoir comme inconvénient d’augmenter le prix des capitaux levés pour les pays ayant toujours bénéficié d’une bonne notation : à suivre.     

Krach : chute brutale de grande ampleur des cours d’une ou plusieurs catégories d’actifs. On parle de krach boursier pour désigner un effondrement des cours des actions sur une ou plusieurs places financières.

Récession : période d’activité économique réduite qui se traduit par un recul du PIB sur une période d’au moins deux trimestres consécutifs.

Restructuration : opération qui vise à changer les caractéristiques de l’endettement d’un Etat ou d’un débiteur privé (montant ; maturité ; taux d’intérêt) afin de restaurer sa solvabilité.

« Six pack » : ce terme renvoie aux six actes législatifs destinés à rendre la gouvernance économique plus rigoureuse dans l’UE : 4 de ces textes traitent de questions budgétaires –y compris la réforme du « pacte de stabilité et de croissance de l’UE » - 2 autres portent sur : l’identification et la correction effective des déséquilibres macroéconomiques au sein de l’UE et de la zone euro. Ces textes ont été approuvés par le Parlement européen le 28 septembre puis par le Conseil Européen le 8 novembre 2011. Ils portent sur :
-        Un règlement (modifiant le règlement CE N° 1466/97) relatif à la surveillance des politiques budgétaires et économiques des Etats membres
-        Un règlement (modifiant le règlement CE N°1467/97) relatif à la procédure concernant les déficits excessifs
-        Un règlement sur la mise en œuvre de la surveillance budgétaire dans la zone euro
-        Un règlement sur la prévention et la correction des déséquilibres macro- économiques
-        Un règlement établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macro-économiques excessifs dans la zone euro
-        Une directive concernant les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres. 

Spread ou écart de taux : différence entre le rendement d’une obligation souveraine ou privée et celui d’une obligation de référence jugée sans risque : en Europe le « Bund » allemand remplit ce rôle.


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