Note sur les dépassements d’honoraires et l’avenant
n°8
à la convention médicale
L’ensemble des dépassements d’honoraires, qui
représente l’essentiel du reste à charge des patients, sont pratiqués en grande
majorité par les médecins conventionnés à honoraires libres (secteur 2) mais
également, de façon plus ponctuelle, par les médecins du secteur 1. Concentrés
sur certaines régions en particulier l’Ile de France et Provence-Alpes-Côte
d’Azur et certaines spécialités, leurs montants peuvent être élevés pour les
patients qui ont à les supporter. Les dépassements d’honoraires représentent
plus de 2 Mds € sur 19 Mds € d’honoraires dont les deux tiers pèsent
directement sur les ménages, après intervention des organismes d’assurance
complémentaire.
Avoir une assurance maladie complémentaire
n’est pas, loin s’en faut, synonyme de prise en charge des dépassements
d’honoraires dans leur intégralité. Mais les pratiques de négociation dans les
entreprises et les branches ont une incidence sur la prise en charge des
dépassements par le biais des couvertures complémentaires. Cette socialisation
d’une partie des dépassements a pu conduire à un relâchement des pratiques
tarifaires des médecins, aussi bien sur les montants de dépassement que sur la
multiplication des actes et consultations avec dépassement.
1.
La situation actuelle des médecins
Des
spécialités diverses
On distingue les médecins généralistes (ou
omnipraticiens) et les médecins spécialistes. Ces derniers exercent leur métier
dans des spécialités très différentes liées soit à des activités de médecine
(dermatologues, cardiologues, ophtalmologues, neurologues, gynécologues,....)
soit à des actes techniques (radiologues, biologistes,...) soit à des actes
chirurgicaux.
Des
modes d’exercice différents
A côté de la médecine ambulatoire et de la
médecine hospitalière, des situations plus complexes coexistent. Les médecins
hospitaliers font des actes en consultation externe qui relèvent des règles de
la médecine ambulatoire. Les médecins exerçant dans les établissements de
santé privés sont de fait des médecins
libéraux exerçant dans un cadre hospitalier.
Des
situations conventionnelles différentes pour les soins ambulatoires
La situation conventionnelle des médecins
libéraux régit les tarifs qu’ils pratiquent. Ces tarifs varient en fonction de
la spécialité du médecin et de son secteur d’activité. On distingue à ce titre
les secteurs 1 et 2 pour l’exercice de leur activité.
ü Les médecins conventionnés de secteur 1 appliquent le tarif
conventionnel. 75%
des médecins libéraux, dont la quasi-totalité des généralistes, exercent en
secteur 1. Un dépassement d'honoraires n'est autorisé qu'en cas de demande
particulière du malade, comme par exemple une visite en dehors des heures
habituelles d'ouverture du cabinet du médecin. Ces dépassements ne sont pas
remboursés par l'Assurance Maladie.
En contre partie de l’engagement du respect
des tarifs conventionnels, le médecin bénéficie d’une prise en charge de ses
cotisations sociales par l’assurance maladie.
ü Les médecins conventionnés de secteur 2 pratique des honoraires libres.
Les nouveaux
spécialistes qui s’installent à titre libéral le font principalement en secteur
2. Il leur est en effet autorisé de pratiquer
des dépassements d'honoraires avec « tact et mesure ». Le
montant du dépassement n'est pas remboursé par l'Assurance Maladie. La sanction
des abus est sensée être de la compétence du Conseil de l’ordre des Médecins.
Dans le cadre du parcours de soins, la prise
en charge par l'Assurance Maladie est de 70 % du tarif conventionnel dans tous les secteurs (1 et 2).
Certains médecins n’ont pas adhéré à la convention
proposée par l’assurance maladie. Ils peuvent décider librement du montant de
leurs honoraires mais les malades sont remboursés sur la base d’un tarif dit
d’autorité qui est très faible. Ces médecins non conventionnés sont peu
nombreux.
Une
hétérogénéité des pratiques tarifaires des médecins
Au total en 2011, les dépassements
d’honoraires médicaux ont représenté 2,4 Mds € soit un taux moyen de
dépassement de 54% :
ü 257 M € pour les omnipraticiens
ü 2,1 Mds € pour les spécialistes
Ces dépassements se répartissent entre :
ü Les dépassements d’honoraires médicaux sur
actes cliniques : 1,1 Md€ avec un taux moyen de dépassement égal à 67,3%)
ü Les dépassements sur les actes
techniques : 1,3 Md€ avec un taux moyen de dépassement égal à 47,4%).
La diversité des situations des médecins
conjuguée à la diversité des tarifs conventionnels entraîne une hétérogénéité
des pratiques tarifaires.
Le secteur 2 s’est fortement développé chez
les spécialistes libéraux. En 2011, 6
installations de spécialistes sur 10 s’effectuent en secteur 2. Le taux moyen
de dépassement des spécialistes, toutes spécialités confondues, est passé de
23% à 56% entre 1985 et 2011. Cette moyenne masque de fortes disparités selon
les spécialités, le lieu d’exercice et la nature des actes. Les dépassements
d’honoraires sont particulièrement élevés dans les grands centres urbains et
liés au niveau de vie de la patientèle.
2.
Place des organismes d’assurance complémentaire
On estime que les organismes complémentaires
remboursent environ 30% des dépassements d’honoraires médicaux, soit 800 M€ par
an, 70% restant à la charge des ménages. Globalement ces 800 M€ représentent
2,7 points de cotisations d’assurance maladie complémentaire.. Il
s’agit là d’une moyenne et le poids des dépassements dans la cotisation d’un
contrat de complémentaire santé dépend de la nature des garanties et doit donc
être apprécié au cas par cas.
En effet, certains contrats complémentaires
ne prennent en charge aucun dépassement d’honoraires quand d’autres peuvent les
rembourser en tout ou partie. La prise en charge intégrale des dépassements
d’honoraires médicaux est de moins en moins pratiquée : les nouvelles
offres ne la prévoient pratiquement plus mais il est difficile d’apprécier le
nombre des contrats en vigueur qui proposent un remboursement « aux frais
réels ». Enfin, les contrats collectifs ont la réputation de proposer, sur
ce segment de dépenses, des garanties plus larges, c’est-à-dire plus onéreuses.
Lorsque la garantie du contrat prévoit le
remboursement de tout ou partie des dépassements d’honoraires, ceux-ci sont
remboursés sur facture. Certains organismes ont mis en place des contrôles pour
détecter les plus forts dépassements ; mais les informations dont
disposent les organismes complémentaires restent lacunaires. Les actions menées
visent davantage à prévenir le praticien qu’il est sous surveillance qu’à le
sanctionner.
Le cahier des charges des contrats
responsables, qui prévoient un plancher de remboursement par l’organisme
complémentaire en contrepartie du respect du parcours de soins, ne concerne
qu’à la marge les conditions de prise en charge des dépassements d’honoraires.
Seule une franchise de 8 euros non remboursables par les organismes
complémentaires s’applique aux dépassements effectués en dehors du parcours de
soins.
3.
L’implantation des médecins et les mesures de régulation : la
problématique des déserts médicaux
Il est habituel de comparer la densité
médicale entre régions. Cette vision est trop générale pour rendre compte des
difficultés d’accès aux soins des usagers. En effet, les inégalités dans la
répartition géographique des médecins sont infra régionales et même infra
départementales. De vastes zones rurales, des zones périurbaines, certains
quartiers urbains sont désertés. Or on ne peut pas dissocier cet aspect de celui
des dépassements d’honoraires. En effet la pratique des dépassements
d’honoraires attire certains médecins dans les zones où elle est le plus
largement diffusée. Autrement dit, inégalité des installations et pratique des
dépassements d’honoraires s’alimentent mutuellement.
Les
enjeux
Fondamentalement, les enjeux sont ceux de
l’accès à des soins de qualité pour tous et à tout moment, et la prise en
charge collective dans un système solidaire. En effet, les dépassements
d’honoraires accompagnés de l’absence de tiers payant chez de nombreux médecins
retardent l’accès aux soins des plus défavorisés et peuvent même conduire à des
renoncements aux soins. Cette situation contraire à l’égalité de tous devant
les soins entraîne des conséquences sur la santé. Elle est aussi pour partie à
l’origine de l’encombrement des services d’urgence hospitalière.
De plus, le choix d’un médecin ne pratiquant
pas de dépassements d’honoraires à proximité du domicile se révèle souvent
difficile : les habitudes de soins, le caractère particulier et souvent
personnalisé de la relation médecin-malade et les difficultés d’information
sont des freins à un véritable choix. Par ailleurs, certaines situations
particulières ne permettent pas le choix du patient, par exemple l’anesthésiste
dans les établissements privés.
Les
tentatives de régulation
Les mesures incitatives, qui existent
aujourd’hui, n’ont pas abouti jusqu’à présent. En effet, les médecins
refusaient toute régulation trop contraignante des dépassements ou toute forme de
régulation contraignante sur l’installation. La loi Fourcade votée juste avant
les élections présidentielles a conforté cette attitude en indiquant que les
Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire Ambulatoire n’étaient pas
opposables, ce qui signifie qu’ils
ne peuvent pas contraindre la liberté d’installation des médecins. L’attitude
actuelle des chirurgiens illustre cette position. Ceci se situe dans un
contexte où collectivement la pratique des dépassements d’honoraires est
fortement refusée par les salariés mais où chacun s’en accommode à titre
individuel par contrainte ou par difficulté de les refuser.
4.
Avenant numéro 8 à la convention médicale
C’est dans ce contexte que vient d’être
négocié l’avenant n° 8 à la convention entre l’Union Nationale des Caisses
d’Assurance Maladie (UNCAM), l’Union Nationale des Organismes Complémentaires
d’Assurance Maladie (UNOCAM) et les syndicats de médecins. Cet accord a été
signé par trois organisations syndicales de médecins (la CSMF, MG France, le
SML) et par l’UNOCAM.
Cet avenant lie l’amélioration de l’accès aux
soins, la limitation des dépassements d’honoraires et certains avantages pour
les médecins. Il s’articule autour de quatre points principaux :
Une
procédure de sanctions des tarifs excessifs
La notion de « tact et mesure » en
vigueur jusqu’à présent pour les dépassements d’honoraires pratiqués par les
médecins du secteur 2 était trop floue pour être efficace. La nouvelle
convention fixe un seuil maximal de dépassement d’un montant de 150% du tarif
conventionnel, soit un coût total de l’acte de 2,5 fois le tarif de base. Moins
de 10% des spécialistes de secteur 2 pratiquent des dépassements supérieurs à
2,5 fois le tarif de la sécurité sociale.
Ce seuil devrait déclencher des sanctions
sans que l’avis des Conseils de l’Ordre puisse constituer un facteur de
blocage. Une Commission paritaire régionale composée de représentants des
Caisses d’assurance maladie et des syndicats médicaux signataires de l’accord
rendra un avis sur ces situations. Le directeur de la caisse d’assurance
maladie concernée prendra la décision de sanction (interdiction de pratiquer
des dépassements pour une durée déterminée ou déconventionnement).
La CFDT ne peut que regretter que le seuil de
dépassement soit fixé à un niveau ainsi élevé.
Un
contrat d’accès aux soins renforçant l’activité sans dépassement d’honoraires
Il est proposé aux médecins de secteur 2 un
« contrat individuel d’accès aux soins » qui les engage à :
ü Conserver une part d’activité sans
dépassement d’honoraires au moins égale à la situation antérieure à la
signature du contrat.
ü Geler sur la durée du contrat (3 ans) leur
pratique tarifaire par rapport à la situation antérieure à la signature du
contrat,
ü Plafonner à 100% le taux moyen de
dépassement.
En parallèle, l’assurance maladie augmentera
le tarif des actes techniques considérés comme sous-rémunérés, ce qui
augmentera le montant remboursé.
Le gel des honoraires associé à
l’amélioration du remboursement par l’assurance maladie devrait se traduire par
une réduction du reste à charge des assurés.
L’application
de tarifs opposables (sans dépassements d’honoraires) pour les assurés éligibles
à l’Aide à l’acquisition d’une complémentarité santé
Les médecins de secteur 2 ne peuvent plus
pratiquer de dépassement d’honoraires vis-à-vis des patients éligible à l’Aide
à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), à l’identique des règles
applicables aux bénéficiaires de la CMU complémentaire.
La référence à l’ACS apporte un élément
objectif pour favoriser les patients à revenus modestes. Il évite que ce soit
le médecin qui apprécie la situation financière des malades, ce qui n’est pas
son rôle. Cependant, la population qui bénéficie actuellement de cette mesure
est trop restreinte (600 000 personnes). En effet, le seuil de ressources
pour bénéficier de l’ACS est fixé à un bas niveau (893 euros pour une personne
seule) et toutes les personnes éligibles ne demandent pas à bénéficier de ce
droit (elles seraient 4,7 millions).
Pour améliorer l’accès aux soins des plus
modestes, la population bénéficiant de tarifs opposables devrait être étendue.
Une
diversification de la rémunération des médecins du secteur 1
La seule rémunération à l’acte des médecins
est source d’injustice et de gaspillage. D’autres formes de rémunération tenant
compte de la réalité du travail des médecins et des nécessités de santé
publique s’imposent. Le nouvel accord s’appuie sur deux axes :
ü la revalorisation de certains actes
techniques sous-cotés
ü le développement de nouveaux modes de rémunération.
Dans ce cadre, sont instituées deux mesures.
D’une part une rémunération forfaitaire de 5
euros par consultation pour la prise en charge des patients âgés de plus de 80
ans afin de tenir compte de leur spécificité (affections multiples, risque de
complication lors des traitements, effets indésirables provoqués par les
médicaments).
D’autre part, la création d’un forfait annuel
de 5 euros versé au médecin traitant pour tous les patients hors affection de
longue durée.
Enfin des consultations longues (équivalentes
à deux consultations) seront mises en place pour les patients à forte morbidité
nécessitant un suivi rapproché et les patients en insuffisance cardiaque à leur
sortie d’hospitalisation.
Les contreparties concédées par l’Assurance
Maladie portent principalement sur :
ü Une revalorisation régulière des tarifs au
bénéfice des médecins du secteur 1 et des adhérents au contrat d’accès aux
soins,
ü Une meilleure prise en charge des cotisations
sociales des médecins.
5
- Les conflits provoqués
Plusieurs positions et conflits
s’entrecroisent :
Certains
syndicats de médecins n’ont pas appelé à la grève :
Les syndicats libéraux CSMF et SML, très
majoritaires dans les spécialités cliniques ont une culture contractuelle
ancienne. Leurs adhérents pratiquent des dépassements plus modérés puisque les
plus intransigeants sont partis dans un nouveau syndicat appelé BLOC regroupant
essentiellement des chirurgiens, des anesthésistes et des gynécologues
obstétriciens. Ces derniers sont proches de l’ancienne majorité politique.
MG France est un syndicat de généralistes
qui, comme la partie généraliste de la CSMF, ne soutient pas les dépassements
mais demande une revalorisation des revenus. Les généralistes, avec les
pédiatres et les psychologues ont les revenus nets avant impôt les moins élevés
parmi les médecins. Le paiement sur objectifs négocié début 2012 génère un
supplément annuel moyen de rémunération qui devrait s’établir à 3600 € en 2012.
Les
grévistes
Le nouveau syndicat « BLOC » créé
lors de la mise en place d’une nouvelle catégorie de spécialistes à plateau
technique lourd (chirurgiens, anesthésistes, obstétriciens). Ces médecins
spécialistes considèrent que la liberté d’honoraires est une liberté absolue et
que la sécurité sociale « rembourse ce qu’elle peut ». Ils
représentent le cœur de la contestation.
Parmi les opposants à l’accord, on trouve
également les chefs de cliniques et internes en spécialités technique. Depuis
leur choix de spécialité ; ils se préparent à s’installer sous statut
libéral, en ville et de préférence une grande ville où le revenu moyen de la
population tout comme la consommation de soins sont élevés.
Les internes en médecine générale appellent à
la grève sur une autre problématique. Ils considèrent que leur rémunération ne
correspond pas à leur temps de travail.
6
- La position de la CFDT
Compte tenu de la pression permanente de la
part des opposants à l’accord, la CFDT restera
vigilante sur :
ü
le
maintien effectif à 150 % du seuil maximum de dépassement d’honoraires,
ü
l’information
et la formation de ses représentants dans les caisses d’assurance maladie et de
Mutualité Sociale Agricole afin qu’ils suivent l’évolution du reste à charge
des malades, des dépassements abusifs et des sanctions prévues, ainsi que le
respect des règles qui s’appliquent aux médecins signataires du contrat d’accès
aux soins;
ü
de
développer l’information sur l’interdiction des dépassements d’honoraires pour
les personnes bénéficiaires de la CMUC ou de l’AS, et de veiller à la
délivrance par les caisses des attestations prévues,
ü
d’ouvrir
le débat entre partenaires sociaux sur la prise en charge des dépassements dans
les contrats collectifs. Par exemple faut-il privilégier les dépassements dans
le seul cadre du contrat d’accès aux soins, ou bien interdire la prise en
charge des médecins non conventionnés ?
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