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lundi 18 février 2013

dépassements d’honoraires


Note sur les dépassements d’honoraires et l’avenant n°8

à la convention médicale


 Après l’accord signé le 25 octobre 2012, par l’assurance maladie et 3 syndicats de médecins libéraux, l’avenant à la convention médicale est paru vendredi 07 décembre 2012 au Journal officiel.

 
L’ensemble des dépassements d’honoraires, qui représente l’essentiel du reste à charge des patients, sont pratiqués en grande majorité par les médecins conventionnés à honoraires libres (secteur 2) mais également, de façon plus ponctuelle, par les médecins du secteur 1. Concentrés sur certaines régions en particulier l’Ile de France et Provence-Alpes-Côte d’Azur et certaines spécialités, leurs montants peuvent être élevés pour les patients qui ont à les supporter. Les dépassements d’honoraires représentent plus de 2 Mds € sur 19 Mds € d’honoraires dont les deux tiers pèsent directement sur les ménages, après intervention des organismes d’assurance complémentaire.

 
Avoir une assurance maladie complémentaire n’est pas, loin s’en faut, synonyme de prise en charge des dépassements d’honoraires dans leur intégralité. Mais les pratiques de négociation dans les entreprises et les branches ont une incidence sur la prise en charge des dépassements par le biais des couvertures complémentaires. Cette socialisation d’une partie des dépassements a pu conduire à un relâchement des pratiques tarifaires des médecins, aussi bien sur les montants de dépassement que sur la multiplication des actes et consultations avec dépassement.

 
1. La situation actuelle des médecins

 
Des spécialités diverses

 
On distingue les médecins généralistes (ou omnipraticiens) et les médecins spécialistes. Ces derniers exercent leur métier dans des spécialités très différentes liées soit à des activités de médecine (dermatologues, cardiologues, ophtalmologues, neurologues, gynécologues,....) soit à des actes techniques (radiologues, biologistes,...) soit à des actes chirurgicaux.

 
Des modes d’exercice différents
 

A côté de la médecine ambulatoire et de la médecine hospitalière, des situations plus complexes coexistent. Les médecins hospitaliers font des actes en consultation externe qui relèvent des règles de la médecine ambulatoire. Les médecins exerçant dans les établissements de santé  privés sont de fait des médecins libéraux exerçant dans un cadre hospitalier.

 
Des situations conventionnelles différentes pour les soins ambulatoires

 
La situation conventionnelle des médecins libéraux régit les tarifs qu’ils pratiquent. Ces tarifs varient en fonction de la spécialité du médecin et de son secteur d’activité. On distingue à ce titre les secteurs 1 et 2 pour l’exercice de leur activité.

 
ü  Les médecins conventionnés de secteur 1 appliquent le tarif conventionnel. 75% des médecins libéraux, dont la quasi-totalité des généralistes, exercent en secteur 1. Un dépassement d'honoraires n'est autorisé qu'en cas de demande particulière du malade, comme par exemple une visite en dehors des heures habituelles d'ouverture du cabinet du médecin. Ces dépassements ne sont pas remboursés par l'Assurance Maladie.

 
En contre partie de l’engagement du respect des tarifs conventionnels, le médecin bénéficie d’une prise en charge de ses cotisations sociales par l’assurance maladie.

 
ü  Les médecins conventionnés de secteur 2 pratique des honoraires libres. Les nouveaux spécialistes qui s’installent à titre libéral le font principalement en secteur 2. Il leur est en effet autorisé de pratiquer des dépassements d'honoraires avec  « tact et mesure ». Le montant du dépassement n'est pas remboursé par l'Assurance Maladie. La sanction des abus est sensée être de la compétence du Conseil de l’ordre des Médecins.

 
Dans le cadre du parcours de soins, la prise en charge par l'Assurance Maladie est de 70 % du tarif conventionnel dans tous les secteurs (1 et 2).

 

Certains médecins n’ont pas adhéré à la convention proposée par l’assurance maladie. Ils peuvent décider librement du montant de leurs honoraires mais les malades sont remboursés sur la base d’un tarif dit d’autorité qui est très faible. Ces médecins non conventionnés sont peu nombreux.

 

Une hétérogénéité des pratiques tarifaires des médecins

 

Au total en 2011, les dépassements d’honoraires médicaux ont représenté 2,4 Mds € soit un taux moyen de dépassement de 54% :

ü  257 M € pour les omnipraticiens

ü  2,1 Mds € pour les spécialistes

 

Ces dépassements se répartissent entre :

ü  Les dépassements d’honoraires médicaux sur actes cliniques : 1,1 Md€ avec un taux moyen de dépassement égal à 67,3%)

ü  Les dépassements sur les actes techniques : 1,3 Md€ avec un taux moyen de dépassement égal à 47,4%).

 

La diversité des situations des médecins conjuguée à la diversité des tarifs conventionnels entraîne une hétérogénéité des pratiques tarifaires.

 

Le secteur 2 s’est fortement développé chez les spécialistes libéraux.  En 2011, 6 installations de spécialistes sur 10 s’effectuent en secteur 2. Le taux moyen de dépassement des spécialistes, toutes spécialités confondues, est passé de 23% à 56% entre 1985 et 2011. Cette moyenne masque de fortes disparités selon les spécialités, le lieu d’exercice et la nature des actes. Les dépassements d’honoraires sont particulièrement élevés dans les grands centres urbains et liés au niveau de vie de la patientèle.

 

 

2. Place des organismes d’assurance complémentaire

 

On estime que les organismes complémentaires remboursent environ 30% des dépassements d’honoraires médicaux, soit 800 M€ par an, 70% restant à la charge des ménages. Globalement ces 800 M€ représentent 2,7 points de cotisations d’assurance maladie complémentaire.. Il s’agit là d’une moyenne et le poids des dépassements dans la cotisation d’un contrat de complémentaire santé dépend de la nature des garanties et doit donc être apprécié au cas par cas.

 

En effet, certains contrats complémentaires ne prennent en charge aucun dépassement d’honoraires quand d’autres peuvent les rembourser en tout ou partie. La prise en charge intégrale des dépassements d’honoraires médicaux est de moins en moins pratiquée : les nouvelles offres ne la prévoient pratiquement plus mais il est difficile d’apprécier le nombre des contrats en vigueur qui proposent un remboursement « aux frais réels ». Enfin, les contrats collectifs ont la réputation de proposer, sur ce segment de dépenses, des garanties plus larges, c’est-à-dire plus onéreuses.

 

Lorsque la garantie du contrat prévoit le remboursement de tout ou partie des dépassements d’honoraires, ceux-ci sont remboursés sur facture. Certains organismes ont mis en place des contrôles pour détecter les plus forts dépassements ; mais les informations dont disposent les organismes complémentaires restent lacunaires. Les actions menées visent davantage à prévenir le praticien qu’il est sous surveillance qu’à le sanctionner.

 

Le cahier des charges des contrats responsables, qui prévoient un plancher de remboursement par l’organisme complémentaire en contrepartie du respect du parcours de soins, ne concerne qu’à la marge les conditions de prise en charge des dépassements d’honoraires. Seule une franchise de 8 euros non remboursables par les organismes complémentaires s’applique aux dépassements effectués en dehors du parcours de soins.

 

 

3. L’implantation des médecins et les mesures de régulation : la problématique des déserts médicaux

 

Il est habituel de comparer la densité médicale entre régions. Cette vision est trop générale pour rendre compte des difficultés d’accès aux soins des usagers. En effet, les inégalités dans la répartition géographique des médecins sont infra régionales et même infra départementales. De vastes zones rurales, des zones périurbaines, certains quartiers urbains sont désertés. Or on ne peut pas dissocier cet aspect de celui des dépassements d’honoraires. En effet la pratique des dépassements d’honoraires attire certains médecins dans les zones où elle est le plus largement diffusée. Autrement dit, inégalité des installations et pratique des dépassements d’honoraires s’alimentent mutuellement.

 

Les enjeux

 

Fondamentalement, les enjeux sont ceux de l’accès à des soins de qualité pour tous et à tout moment, et la prise en charge collective dans un système solidaire. En effet, les dépassements d’honoraires accompagnés de l’absence de tiers payant chez de nombreux médecins retardent l’accès aux soins des plus défavorisés et peuvent même conduire à des renoncements aux soins. Cette situation contraire à l’égalité de tous devant les soins entraîne des conséquences sur la santé. Elle est aussi pour partie à l’origine de l’encombrement des services d’urgence hospitalière.

 

De plus, le choix d’un médecin ne pratiquant pas de dépassements d’honoraires à proximité du domicile se révèle souvent difficile : les habitudes de soins, le caractère particulier et souvent personnalisé de la relation médecin-malade et les difficultés d’information sont des freins à un véritable choix. Par ailleurs, certaines situations particulières ne permettent pas le choix du patient, par exemple l’anesthésiste dans les établissements privés.

 

Les tentatives de régulation

 

Les mesures incitatives, qui existent aujourd’hui, n’ont pas abouti jusqu’à présent. En effet, les médecins refusaient toute régulation trop contraignante des dépassements ou toute forme de régulation contraignante sur l’installation. La loi Fourcade votée juste avant les élections présidentielles a conforté cette attitude en indiquant que les Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire Ambulatoire n’étaient pas opposables, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas contraindre la liberté d’installation des médecins. L’attitude actuelle des chirurgiens illustre cette position. Ceci se situe dans un contexte où collectivement la pratique des dépassements d’honoraires est fortement refusée par les salariés mais où chacun s’en accommode à titre individuel par contrainte ou par difficulté de les refuser.

 

4. Avenant numéro 8 à la convention médicale

 

C’est dans ce contexte que vient d’être négocié l’avenant n° 8 à la convention entre l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM), l’Union Nationale des Organismes Complémentaires d’Assurance Maladie (UNOCAM) et les syndicats de médecins. Cet accord a été signé par trois organisations syndicales de médecins (la CSMF, MG France, le SML) et par l’UNOCAM.

 

Cet avenant lie l’amélioration de l’accès aux soins, la limitation des dépassements d’honoraires et certains avantages pour les médecins. Il s’articule autour de quatre points principaux :

 

Une procédure de sanctions des tarifs excessifs

 

La notion de « tact et mesure » en vigueur jusqu’à présent pour les dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins du secteur 2 était trop floue pour être efficace. La nouvelle convention fixe un seuil maximal de dépassement d’un montant de 150% du tarif conventionnel, soit un coût total de l’acte de 2,5 fois le tarif de base. Moins de 10% des spécialistes de secteur 2 pratiquent des dépassements supérieurs à 2,5 fois le tarif de la sécurité sociale.

 

Ce seuil devrait déclencher des sanctions sans que l’avis des Conseils de l’Ordre puisse constituer un facteur de blocage. Une Commission paritaire régionale composée de représentants des Caisses d’assurance maladie et des syndicats médicaux signataires de l’accord rendra un avis sur ces situations. Le directeur de la caisse d’assurance maladie concernée prendra la décision de sanction (interdiction de pratiquer des dépassements pour une durée déterminée ou déconventionnement).

 

La CFDT ne peut que regretter que le seuil de dépassement soit fixé à un niveau ainsi élevé.

 

Un contrat d’accès aux soins renforçant l’activité sans dépassement d’honoraires

 

Il est proposé aux médecins de secteur 2 un « contrat individuel d’accès aux soins » qui les engage à :

ü  Conserver une part d’activité sans dépassement d’honoraires au moins égale à la situation antérieure à la signature du contrat.

ü  Geler sur la durée du contrat (3 ans) leur pratique tarifaire par rapport à la situation antérieure à la signature du contrat,

ü  Plafonner à 100% le taux moyen de dépassement.

 

En parallèle, l’assurance maladie augmentera le tarif des actes techniques considérés comme sous-rémunérés, ce qui augmentera le montant remboursé.

 

Le gel des honoraires associé à l’amélioration du remboursement par l’assurance maladie devrait se traduire par une réduction du reste à charge des assurés.

 

L’application de tarifs opposables (sans dépassements d’honoraires) pour les assurés éligibles à l’Aide à l’acquisition d’une complémentarité santé

 

Les médecins de secteur 2 ne peuvent plus pratiquer de dépassement d’honoraires vis-à-vis des patients éligible à l’Aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), à l’identique des règles applicables aux bénéficiaires de la CMU complémentaire.

 

La référence à l’ACS apporte un élément objectif pour favoriser les patients à revenus modestes. Il évite que ce soit le médecin qui apprécie la situation financière des malades, ce qui n’est pas son rôle. Cependant, la population qui bénéficie actuellement de cette mesure est trop restreinte (600 000 personnes). En effet, le seuil de ressources pour bénéficier de l’ACS est fixé à un bas niveau (893 euros pour une personne seule) et toutes les personnes éligibles ne demandent pas à bénéficier de ce droit (elles seraient 4,7 millions).

 

Pour améliorer l’accès aux soins des plus modestes, la population bénéficiant de tarifs opposables devrait être étendue.

 

Une diversification de la rémunération des médecins du secteur 1

 

La seule rémunération à l’acte des médecins est source d’injustice et de gaspillage. D’autres formes de rémunération tenant compte de la réalité du travail des médecins et des nécessités de santé publique s’imposent. Le nouvel accord s’appuie sur deux axes :

ü  la revalorisation de certains actes techniques sous-cotés

ü  le développement de nouveaux modes de rémunération. Dans ce cadre, sont instituées deux mesures.

 

D’une part une rémunération forfaitaire de 5 euros par consultation pour la prise en charge des patients âgés de plus de 80 ans afin de tenir compte de leur spécificité (affections multiples, risque de complication lors des traitements, effets indésirables provoqués par les médicaments).

D’autre part, la création d’un forfait annuel de 5 euros versé au médecin traitant pour tous les patients hors affection de longue durée.

 

Enfin des consultations longues (équivalentes à deux consultations) seront mises en place pour les patients à forte morbidité nécessitant un suivi rapproché et les patients en insuffisance cardiaque à leur sortie d’hospitalisation.

 

Les contreparties concédées par l’Assurance Maladie portent principalement sur :

ü  Une revalorisation régulière des tarifs au bénéfice des médecins du secteur 1 et des adhérents au contrat d’accès aux soins,

ü  Une meilleure prise en charge des cotisations sociales des médecins.

5 - Les conflits provoqués

 

Plusieurs positions et conflits s’entrecroisent :

 

Certains syndicats de médecins n’ont pas appelé à la grève :

 

Les syndicats libéraux CSMF et SML, très majoritaires dans les spécialités cliniques ont une culture contractuelle ancienne. Leurs adhérents pratiquent des dépassements plus modérés puisque les plus intransigeants sont partis dans un nouveau syndicat appelé BLOC regroupant essentiellement des chirurgiens, des anesthésistes et des gynécologues obstétriciens. Ces derniers sont proches de l’ancienne majorité politique.

 

MG France est un syndicat de généralistes qui, comme la partie généraliste de la CSMF, ne soutient pas les dépassements mais demande une revalorisation des revenus. Les généralistes, avec les pédiatres et les psychologues ont les revenus nets avant impôt les moins élevés parmi les médecins. Le paiement sur objectifs négocié début 2012 génère un supplément annuel moyen de rémunération qui devrait s’établir à 3600 € en 2012.

 

Les grévistes

 

Le nouveau syndicat « BLOC » créé lors de la mise en place d’une nouvelle catégorie de spécialistes à plateau technique lourd (chirurgiens, anesthésistes, obstétriciens). Ces médecins spécialistes considèrent que la liberté d’honoraires est une liberté absolue et que la sécurité sociale « rembourse ce qu’elle peut ». Ils représentent le cœur de la contestation.

 

Parmi les opposants à l’accord, on trouve également les chefs de cliniques et internes en spécialités technique. Depuis leur choix de spécialité ; ils se préparent à s’installer sous statut libéral, en ville et de préférence une grande ville où le revenu moyen de la population tout comme la consommation de soins sont élevés.

 

Les internes en médecine générale appellent à la grève sur une autre problématique. Ils considèrent que leur rémunération ne correspond pas à leur temps de travail.

 

 

6 - La position de la CFDT

 

La CFDT a fait part de ses réserves sur l’accord considérant que le niveau maximum des dépassements prévu dans l’accord est trop élevé et la procédure de sanctions complexe. Mais ce nouvel accord comporte des points positifs tels que l’évolution vers des modes de rémunération élargis au-delà du seul paiement à l’acte et l’effort fait pour les patients à revenus modestes.

 


Compte tenu de la pression permanente de la part des opposants à l’accord, la CFDT restera  vigilante sur :

 

ü  le maintien effectif à 150 % du seuil maximum de dépassement d’honoraires,

ü  l’information et la formation de ses représentants dans les caisses d’assurance maladie et de Mutualité Sociale Agricole afin qu’ils suivent l’évolution du reste à charge des malades, des dépassements abusifs et des sanctions prévues, ainsi que le respect des règles qui s’appliquent aux médecins signataires du contrat d’accès aux soins;

ü  de développer l’information sur l’interdiction des dépassements d’honoraires pour les personnes bénéficiaires de la CMUC ou de l’AS, et de veiller à la délivrance par les caisses des attestations prévues,

ü  d’ouvrir le débat entre partenaires sociaux sur la prise en charge des dépassements dans les contrats collectifs. Par exemple faut-il privilégier les dépassements dans le seul cadre du contrat d’accès aux soins, ou bien interdire la prise en charge des médecins non conventionnés ?

 

 

 

 

 

 

 

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